L’hiver était loin d'être fini. Un froid cristallin s'était abattu sur la capitale Anglaise, semblant tout figer sur son passage. Quand on levait les yeux vers le ciel, on ne vouait qu'un épais brouillard accentué par les cheminées fumant à longueur de journée. Les rues étaient presque désertes, et lorsque l'on croisait âme qui vive, celle-ci s'empressait de rejoindre un endroit chaud.
Erika n'étant pas d'humeur à braver ce climat ni trop chaud pour qu'il lui soit agréable de mettre les pieds dehors, ni trop froid pour lui rappeler sa douce Suède, elle avait préféré rester dans sa confortable demeure située dans un endroit calme de la ville. Assez loin de la cour pour que son agitation perpétuelle ne la dérange pas, mais situé suffisamment proche pour qu'elle puisse s'y rendre quand bon lui semblait.
La jeune femme était assise près d'un agréable feu de bois, avec pour seule compagnie celle d'un livre. Par instants, son esprit divaguait quelque peu de sa lecture et elle ne pouvait s'empêcher de penser à quoi ressemblerait ce jour si sa jolie Caroline était à ses côtés... Cela faisait maintenant des années qu'elle ne l'avait pas revue, mais elle était depuis quelque temps en proie à la nostalgie, faisant des suppositions ridicules basées sur des « et si ». Et si je ne m'étais pas enfuie. Et si je ne l'avais pas abandonnée. Et si j'avais été plus courageuse...
Alors qu'elle fermait les yeux, que la vague image d'une famille se dessinait dans son esprit, un bruit parasite vint la tirer de ses chimères. Erika ouvrit brusquement les paupières et vu la silhouette de Diane, sa gouvernante, apparaître dans l'encadrement de la porte du petit salon.
- On vient de livrer quelque chose pour vous, madame, lui signifia la domestique en faisant signe à deux hommes de venir déposer dans la pièce une malle de bois sombre.
Une fois que les deux porteurs furent sortis, la comtesse se leva en lançant un regard interrogateur à Diane qui lui répondit par un simple haussement d'épaules lui faisant comprendre qu'elle ne connaissait pas plus qu'elle le continu de ce coffre. Plus qu'intriguée par ce présent qu'elle n'attendait pas, elle s’accroupit devant celui-ci et passa délicatement sa main sur le bois sculpté.
- Ne sais-tu pas qui je dois remercier pour ceci, demanda-t-elle.
- Non madame. Elle lui signifia alors de s'en aller d'un geste de la main, et une fois qu'elle fut seule, elle ouvrit le coffre avec délicatesse. La première chose qu'elle y vu fut-une enveloppe qu'elle décacheta immédiatement. Cette missive était bien énigmatique... Celle-ci s'adressait explicitement à Erika, lui priant de bien vouloir se joindre aux festivités organisées pour l'occasion du Carnaval... Mais aucun signataire. Elle relit plusieurs fois la carte, supposant avoir raté le nom l'hôte, mais non, elle était bien anonyme.
Malgré toute l'étrangeté que ce coffre renfermait, la jeune femme était on ne peut plus curieuse d'en déballer tout le contenu. Sur une pille de tissus était disposés un masque assortit à une petite couronne dorée ainsi qu'une tulipe rouge. Elle ne comprit d'abord pas bien le sens de tout ceci, mais en dépliant ce qui se trouvait en dessous, se dévoila un ensemble on ne peut plus cohérent.
Elle sortit de la malle une somptueuse robe de velours rouge et dont les robes étaient faites d'Hermine, fourrure si reconnaissable. A cela s'ajoutait une lourde cape bleu marine, faite du même tissu. La vue du déguisement en son ensemble tira un petit sourire à Erika : la Pallas, communément appelée Dame de Pique.
Décidément, quel étrange coffre était-ce là...
Pendant les jours qui suivirent, Erika se posa mille questions. Devait-elle y allait ? Pourquoi avait-elle été choisie comme destinataire ? Et qui donc pouvait bien être l'organisateur ?
Tant de questions qui agitèrent son esprit jusqu'à la veille de l’événement, quand elle se décida finalement à être présente malgré la légère anxiété qui la tenaillait. Car après tout, un peu d'amusement ne lui ferait pas de mal pour briser son morne et triste quotidien.
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Lorsqu'elle descendit de la chaise à porteurs qui l'avait emmené jusqu'au lieu-dit, Erika fut impressionnée par le somptueux extérieur de la demeure de son hôte. L'imposante bâtisse était éclairée par de nombreuses torches illuminant toute la rue et donc la lumière claire semblait se refléter sur les costumes colorés, tous plus somptueux les uns que les autres, que portaient les nombreux invités.
Erika ajusta légèrement son masque avant de se fondre dans la foule. Ses cheveux couleur de feu étaient attachés en un chignon duquel s'échappaient quelques mèches qui encadraient l'ovale de son visage. Aussi resplendissante qu'elle était dans le majestueux costume que l'organisateur de cette soirée avait eu la délicatesse de lui faire porter, la jeune femme n'était qu'une inconnue au milieu de ces visages masqués. Elle prit une profonde inspiration tout en se promettant de profiter au maximum de cette nuit qui s'annonçait sous les meilleurs auspices. Ce soir, elle se laisserait enfin un peu aller pour apprécier cette délicieuse fête comme il se devait.
D'un pas assuré quoiqu'intérieurement elle n'arrêtait pas de tergiverser, se demandant si elle avait vraiment bien fait de répondre favorablement à l'invitation, elle fit son entrée dans la pièce principale.